Par deux fois, faut-il le rappeler ici, la première en janvier 1957 et la deuxième en novembre 1958, Salah Ben Youssef fut condamné à la peine capitale.
De la lecture de ces lettres, il ressort clairement que Ben Youssef était, à l’époque, en train de préparer un nouveau complot, le dernier de sa carrière de conspirateur. Son plan consistait, cette fois, à fomenter un coup d’Etat militaire. Et, comme toujours, l’objectif prioritaire assigné aux conjurés était d’abattre Bourguiba.
…Seulement, ce que Ben Youssef ne savait pas, c’est que les officiers tunisiens sur lesquels il comptait pour réaliser son coup d’Etat militaire, n’existaient que dans l’imagination de son correspondant, un Tunisien établi à Helsinki, du nom de Mohamed Rezgui. De plus, et bien que Bourguiba lui donnât une fois l’occasion de s’en s’apercevoir, Ben Youssef ignorait que son correspondant n’était entré en contact avec lui depuis octobre 1958 que pour le sonder sur ses intentions et en informer Taïeb M’hiri, à l’époque ministre de l’Intérieur. Mais l’avertissement que Bourguiba lui fit – certainement pour le dissuader – au cours de leur rencontre impromptue, le 3 mars 1961, à Zurich, ne servit qu’à obtenir de lui l’aveu, porté de sa propre main dans sa lettre du 16 avril 1961, qu’il s’était bien ouvert à son correspondant de son projet criminel aux conjurés : le «poison» ou bien un «silencieux».
…Les «officiers» rencontré à Frankfort, pour arrêter avec eux les derniers préparatifs du coup d’Etat, seront munis d’un silencieux. Le rendez-vous pris pour cela – comme il ressort de la lettre du 16 avril – était fixé pour fin mai 1961. Mais si rien ne se produisit, ce n’est pas parce que Taïeb M’hiri avait renoncé à son projet, ou que les agents qu’il envoya effectivement, le 28 mai à Frankfort, n’avaient pas réussi à entrer en contact avec Ben Youssef. Mais c’est plutôt parce que ce dernier, une fois qu’il les eu au bout du fil, se refusa à répondre au mot de passe convenu avec son correspondant d’Helsinki.
…Dans le témoignage écrit qu’il nous a remis pour l’histoire, sur les contacts qu’il a pris avec Ben Youssef depuis 1958, Mohamed Rezgui fait état de la conversation qu’il a eue avec lui, après le déclenchement de cette guerre.
…Voilà pourquoi à la date convenue, le 12 août 1961, les deux militants requis pour cette opération débarquèrent à Frankfort. Ben Youssef, cette fois-ci, était au rendez-vous. Il paraissait même les attendre impatiemment lorsqu’il reçut, en début d’après-midi, leur appel téléphonique. De Wisbaden où il se trouvait, il sauta dans sa voiture et se rendit à l’«Hôtel Royal» o ils avaient choisi de descendre. Arrivée à 17 heures 15, il eut hâte de les entendre exposer leur plan pour réaliser leu coup d’Etat. Mais ses interlocuteurs ayant objecté qu’ils ne pouvaient parler d’une question aussi grave dans un hall d’hôtel, il accepta de monter avec eux dans leur chambre. Une fois installé dans un fauteuil, sa première question fut : «Dites-moi, d’abord, comment compter vous vous y prendre pour liquider Bourguiba ? ». Il n’y a rien de plus simple, répondit l’un d’eux, voilà comment ! Et joignant le geste à la parole, il sorti son «silencieux» et lui tira une balle dans l’oreille.
Il était 17 heures 30. C’était la fin de Ben Youssef.